Pourquoi s’intéresser à la réglementation avant d’installer du photovoltaïque sur un bâtiment agricole ?
Que vous soyez agriculteur en activité ou propriétaire d’un terrain agricole avec bâtiment inoccupé, ajouter des panneaux photovoltaïques peut vous permettre de rentabiliser votre toiture tout en contribuant à la transition énergétique. Mais attention, ce n’est pas aussi simple que de poser une installation sur une maison : la réglementation liée aux bâtiments agricoles, surtout lorsqu’il s’agit d’y intégrer du solaire, mérite toute votre attention.
Dans cet article, je vous propose un tour d’horizon complet des démarches réglementaires et des points de vigilance à connaître avant de lancer votre projet.
Photovoltaïque sur bâtiment agricole : de quoi parle-t-on ?
Quand on parle de photovoltaïque sur bâtiment agricole, on pense souvent à :
- Une installation sur hangar existant (stockage, stabulation, etc.) ;
- Un projet de construction neuve pensée dès le départ pour accueillir des panneaux solaires ;
- Un bâtiment conçu exclusivement pour produire de l’électricité (bâtiment photovoltaïque de tiers-financement avec bail emphytéotique, par exemple).
Chaque cas a ses spécificités réglementaires. Le fil conducteur reste cependant le même : respecter le Code de l’urbanisme et, le cas échéant, celui de l’environnement. Sans ça, votre installation pourrait être jugée illégale… et démontée.
Point de départ : le Plan Local d’Urbanisme (PLU)
Premier réflexe : allez jeter un œil à votre PLU. C’est lui qui détermine si votre terrain est situé en zone constructible, agricole ou naturelle, et quelles activités y sont autorisées. Cela a des conséquences directes :
- En zone agricole (zone A), seules les constructions à usage agricole ou nécessaires à l’exploitation sont généralement admises. Les projets purement photovoltaïques (bâtiments sans activité agricole réelle) sont souvent refusés.
- En zone naturelle (zone N), les restrictions sont encore plus fortes. Mieux vaut oublier les constructions neuves, hormis rares dérogations.
- En zone constructible (zone U), les possibilités sont élargies, mais il faut quand même suivre les règles d’implantation et d’aspect prévues dans le PLU.
En clair : même sur une exploitation agricole, tout n’est pas permis. Attention aussi aux Zonages d’Urbanisme Règlementés (ZUR), périmètres de protection de monuments historiques ou sites classés. Consultez votre mairie : c’est le bon point d’entrée pour obtenir rapidement ces informations.
Nécessaire ou dispensable : la déclaration préalable de travaux
Pour une installation de panneaux sur un bâtiment existant, vous êtes dans la plupart des cas soumis à une déclaration préalable de travaux. C’est le cas si :
- Le bâtiment ne change pas de destination ;
- Les panneaux modifient l’aspect extérieur du bâtiment ;
- La puissance de votre installation reste inférieure à 250 kWc.
Cette déclaration s’effectue via le formulaire Cerfa 13703*08, à déposer en mairie. Le délai d’instruction est généralement d’un mois. Attention, si aucun retour n’est fait à l’issue de ce délai, cela ne signifie pas que tout est permis : soyez assuré que votre dossier est bien complet et conforme.
Notez qu’en secteur « bâtiment de France » (abords de monument classé, par exemple), l’Architecte des Bâtiments de France peut imposer des contraintes esthétiques ou refuser le projet. Un cas à anticiper.
Construction neuve : permis de construire obligatoire
Vous avez pour projet de construire un hangar ou une serre photovoltaïque ? Vous entrez dans le champ du permis de construire.
Depuis 2022, il est obligatoire pour toute construction de plus de 20 m² au sol, qu’elle soit considérée comme bâtiment agricole ou non. À noter, dans ce cadre :
- Les bâtiments agricoles doivent être justifiés par une activité effective : élevage, stockage, transformation, etc. Impossible de bâtir un hangar juste pour produire de l’électricité.
- Votre permis sera refusé si l’administration estime qu’il s’agit d’un bâtiment photovoltaïque fictif, sans activité agricole réelle. De nombreuses communes sont vigilantes sur ce sujet.
En pratique, il vous faudra déposer en mairie un dossier contenant plans, documents techniques, justification de l’activité agricole, et descriptif du projet photovoltaïque. L’instruction peut durer de 2 à 4 mois. Ne vous y prenez pas au dernier moment.
Cas particulier : le tiers-financement et le bail emphytéotique
Certains exploitants choisissent de confier leur toiture à un tiers (investisseur photovoltaïque) via un bail emphytéotique. Le principe est simple :
- Un investisseur finance la construction d’un bâtiment ;
- Vous disposez d’un local agricole fonctionnel, voire gratuit ;
- En échange, l’investisseur exploite la toiture pour produire et vendre de l’électricité pendant 20 à 30 ans.
Sur le papier, c’est gagnant-gagnant. Mais attention : du point de vue réglementaire, cela peut devenir un dossier complexe. Votre projet devra montrer patte blanche :
- Le bâtiment doit avant tout être utilisé à des fins agricoles (attestation MSA, preuve de production, etc.).
- Le permis de construire doit clairement identifier le futur usage agricole (et non uniquement l’usage photovoltaïque).
- Le contrat de bail doit démontrer que l’utilisation agricole est bien effective sur la durée du bail.
En cas de fraude ou d’abus (bâtiment déserté, destination détournée, etc.), l’administration peut exiger la démolition du bâtiment. Un investissement comme celui-ci ne s’improvise pas.
Autres obligations à ne pas oublier
- Déclaration électrique à Enedis : pour raccorder votre centrale au réseau, il faut déposer une demande complète auprès d’Enedis. Cette étape peut prendre plusieurs mois.
- Assurances : assurez-vous d’être bien couvert pour les risques liés à l’installation (incendie, dégâts aux biens agricoles, responsabilité civile, etc.).
- TVA et fiscalité : en cas de vente d’électricité, vous devenez producteur et devez potentiellement vous enregistrer à la TVA. Discutez-en avec un expert-comptable.
Enfin, pensez également à anticiper l’entretien de votre installation, l’accessibilité au toit, et la résistance structurelle du bâtiment. L’intégration du solaire ne doit pas fragiliser l’existant.
Exemple concret : Jean-Michel, éleveur dans les Landes
Jean-Michel exploite un élevage de porcs sur 15 hectares à quelques kilomètres de Mont-de-Marsan. Il souhaite rénover un vieux bâtiment de stockage et y ajouter 100 m² de panneaux solaires (puissance : 18 kWc) pour couvrir ses besoins et vendre le surplus.
Voici comment s’est passée sa démarche :
- Il s’est procuré le PLU de sa commune, qui a confirmé que la zone était « A », mais autorisait les projets agricoles avec production énergétique complémentaire sans changement de destination.
- Il a déposé une déclaration préalable de travaux, appuyée par un plan de situation, des photos, et une note expliquant l’objet de la rénovation. Délais : 1 mois, réponse favorable.
- Il a signé un contrat Obligation d’Achat avec EDF OA pour le surplus injecté au réseau.
- Coût total de l’opération : 22 000 € HT (rénovation comprise). Rentabilité prévue : 10 ans.
Jean-Michel est très satisfait : ses charges électriques ont chuté de 60 %, il valorise un bâtiment inutilisé et contribue à la production locale d’énergie renouvelable. Tout ça sans enfreindre la moindre règle.
Bonnes pratiques pour réussir votre projet solaire agricole
Pour éviter les mauvaises surprises et préparer sereinement votre installation photovoltaïque en milieu agricole, voici quelques recommandations issues du terrain :
- Anticipez vos démarches administratives : de la déclaration à l’Enedis, tout prend du temps. Calculez bien vos délais.
- Appuyez-vous sur des professionnels fiables : bureau d’étude, installateur photovoltaïque, architecte, tous doivent avoir l’habitude des projets agricoles.
- Soignez le dossier technique : plans précis, description rigoureuse, cahier des charges ferroviaire et électrique… un bon dossier évite les refus.
- Prévoyez une activité agricole réelle : attention aux projets uniquement motivés par l’électricité. Ils sont souvent rejetés.
Le photovoltaïque agricole représente une belle opportunité, mais ça ne s’improvise pas. En respectant la réglementation et en vous entourant des bons interlocuteurs, vous mettez toutes les chances de votre côté pour un projet solide, rentable, et durable.